Une salle debout en l'honneur des manipulateurs de Lariboisière
MARDI 09 FéVRIER 2016 Soyez le premier à réagirOn a rarement vu, au cours d'un congrès, une salle debout, applaudissant à tout rompre les orateurs à la fin d'une présentation. C'est pourtant la scène à laquelle on a assisté ce dimanche 7 février 2016, en conclusion d'une présentation retraçant la nuit du 13 novembre 2015 dans le pôle imagerie de l'Hôpital Lariboisière.
C'est à une présentation remplie de gravité et d'émotion que les participants aux Journées Francophones Scanner de l'Association des Personnels Paramédicaux en Électroradiologie (AFPPE) ont pu assister ce 7 février 2016.
Du calme plat à l'alerte maximale en un instant
Marc Llop et Guillaume Tari, respectivement cadre et manipulateur au sein du pôle imagerie médicale de l'Hôpital Lariboisière à Paris Xème, ont relaté les événements du 13 novembre 2015 comme ils les ont vécus juste après les attentats dans leur service. "On passe en un instant du calme plat à un état d'alerte maximal, commente d'emblée Marc Llop. Informé par un ami de ce qui se passait, j'ai tout de suite contacté l'hôpital où venait d'être décrété la mise en place du Plan Blanc." À son arrivée sur son lieu de travail, il constate que les premiers blessés sont déjà là, l'établissement étant voisin du Bataclan et des lieux de fusillade, ainsi qu'à quelques kilomètres du Stade de France.
Des manipulateurs au Top en moins de trente minutes
Il évalue dans un premier temps les besoins en personnels, constatant le nombre de patients à prendre en charge et les blessures particulièrement rares qu"ils présentaient. "J'ai décidé de rappeler 6 manipulateurs supplémentaires, poursuit-il. Devant l'ampleur de la tâche à venir, j'avais besoin d'un bolus de manipulateurs pour assurer la prise en charge rapide en radiologie et au scanner. En moins de trente minutes, ils étaient au Top ! Je veux dire par là qu'ils étaient immédiatement opérationnels et bientraitants envers les patients. À 2h30 du matin, je les ai renvoyés, n'en gardant qu'un supplémentaire pour le reste de la nuit du weekend par rapport à l'effectif normal. J'avais en effet un impératif absolu: préserver les troupes en prévision d'éventuelles reprises des attaques."
Une assistance médusée devant les images présentées
Les blessés qui arrivent à Lariboisière cette nuit là sont plutôt jeunes et présentent des blessures atypiques, qualifiées "de guerre", générant chez les soignants un environnement psychologique inédit. Sur les 352 blessés transportés ce soir là, 99 présentaient un caractère d'urgence absolue. "Nous en avons reçus 30 à Lariboisière, dont 8 en urgence absolue, témoigne alors Guillaume Tari. La plupart présentaient des traumatismes neurochirurgicaux, orthopédiques et vasculaires et arrivaient sans justificatif d'identité, ce qui est compréhensible dans ces conditions." L'orateur a ensuite présenté des images radiologiques de ces patients particuliers qui ont médusé l'assistance, de par les topographies inhabituelles et les dégâts occasionnés. "Le but, pour nous, était d'évaluer la gravité des blessures et d'identifier les éventuels débris de balles avant que les patients soient acheminés vers le bloc opératoire, a-t-il poursuivi.
Les personnels accusent le coup les jours suivant les attentats
"Les blessés qui étaient conscients paraissaient assez calmes mais tenaient des propos incohérents. Notre rôle était donc aussi de les assister, de les rassurer et leur expliquer ce qu'ils faisaient ici." Quant aux manipulateurs, ils ont accusé le choc en arrivant, remplis d'interrogations sur ce qu'ils allaient trouver sur place. Mais une fois sur site, la concentration et le professionnalisme a pris le dessus, ce qui leur a permis de prendre du recul sur les événements. "Le lendemain et les jours suivants ont été plus difficiles psychologiquement, conclut Guillaume Tari. On a vraiment réalisé la gravité de la situation, on a dû en parler fréquemment avec les gens qui n'étaient pas là, on voyait, de plus, les proches des victimes en pleurs demander des nouvelles, tout ça étant assez déstabilisant."
Marc Llop a enfin repris la parole, argumentant sur l'évaluation, par la cellule de crise, de la gestion des prises en charge lors de cette soirée mémorable, ou sur les problèmes d'identitovigilance rencontrés. Mais, suite à sa conclusion sur la disponibilité et l'implication des manipulateurs dans cette situation de crise, les congressistes se sont levés comme un seul homme, applaudissant à tout rompre les orateurs et, à travers eux, les personnels de l'AP-HP dans son ensemble, dans un moment chargé d'émotion et de respect pour le travail accompli.
Bruno Benque