Retour sur l'étude NELSON en faveur du dépistage scanographique du cancer du poumon
LUNDI 12 NOVEMBRE 2018
La deuxième plus importante étude dans le monde traitant du dépistage du cancer du poumon par scanner low dose, baptisée NELSON, marque une avancée significative dans la valeur prédictive de ce type de campagne. Cette étude a été présentée lors de la 19ème World Conference on Lung Cancer (WCLC).

Selon un article publié dans Medscape, les nouvelles données de l’étude NELSON, menée aux Pays-Bas et en Belgique et qui évaluent le dépistage du cancer du poumon par scannet low dose, montrent une réduction encore plus importante du nombre de décès par cancer du poumon que celle observée dans l’étude historique originale, le National Lung Screening Trial (NLST), menée entre 2002 et 2004 aux États-Unis.
Des résultats globaux encourageants
Ces nouveaux résultats ont été présentées à la 19ème World Conference on Lung Cancer (WCLC) qui s'est tenue en septembre 201 à Toronto (Canada). "Le dépistage organisé est souvent discuté, mais nous avons montré que les patients masculins à haut risque de cancer du poumon présentent un taux de décès réduit", remarque le Dr Harry de Konig, professeur de santé publique et d'évaluation du dépistage au Erasmus Medical Center de Rotterdam (Pays-Bas). Le risque de décès par cancer du poumon chez les participants de sexe masculin a été réduit de 26% dans le groupe dépisté par rapport au groupe témoin à 10 ans de suivi". De plus, dans le sous-groupe de femmes, qui était plus petit, la réduction était encore plus importante, le risque de décès par cancer du poumon étant réduit de 39% à 61% après plusieurs années de suivi.
Un taux de 50% de cancers précoces détectés
Lors de l'analyse finale, 2,2% des résultats d'examens étaient positifs, ce qui correspond à un taux de détection global du cancer du poumon de 0,9%. "Cela signifie que si vous obtenez un résultat d'examen positif et que vous êtes dirigé vers un scanner, vos chances d'avoir un cancer du poumon sont de 41%, précise le Dr de Koning. C'était la valeur prédictive positive sur un résultat positif." Plus important encore, 50% des cancers du poumon détectés au cours du programme de dépistage étaient des cancers 1A à un stade précoce et 69% des cancers du poumon détectés par dépistage étaient 1A ou B. Seuls 10% à 12% des personnes du groupe de dépistage ont reçu un diagnostic de stade 4.
Cela contraste avec les données habituelles du registre néerlandais du cancer, qui montre un taux de 50% d'hommes atteints au stade 4. Chez les hommes participant à l'étude, le nombre de décès par cancer du poumon à 10 ans s'élevait à 250, dont 157 dans le groupe dépisté, ce qui donne un taux de mortalité par cancer du poumon de 0,74% à 10 ans (P = 0,003). Même au cours des deux années précédentes, le dépistage a réduit le risque de décès avec 0,75% la huitième année et de 0,76% la neuvième année. "Chez les femmes, nous avons constaté un résultat encore plus remarquable, a poursuivi le Dr de Koning. À la dixième année, le dépistage réduisait le risque de cancer du poumon de 39%. Le taux de mortalité par cancer du poumon était de 0,61 (p = 0,0543à 10 ans, de 0,39 à 8 ans et de 0,47 à 9 ans. Au cours des 2 années précédentes, le dépistage a réduit le risque de mortalité par cancer du poumon de 61% (8ème année) et de 53% (9ème année).
Un suivi selon quatre cycles de dépistage
NELSON était un essai de dépistage randomisé, contrôlé et basé sur une population d'individus présents dans des registres aux Pays-Bas et en Belgique. "Pour obtenir une population cible d'environ 16 000 personnes, nous avons dû envoyer au préalable un questionnaire général sur la santé à 606 000 personnes, poursuit-il. Et nous avons sélectionné ceux qui répondaient à nos critères d'éligibilité, à savoir les hommes et les femmes âgés de 50 à 74 ans et ayant déjà fumé plus de 10 cigarettes par jour pendant plus de 30 ans, ou plus de 15 cigarettes par jour pendant plus de 25 ans, "
Le nombre moyen de 40 paquets-années a été évalué dans l'ensemble de la cohorte. Un peu plus de la moitié des participants étaient encore fumeurs, alors que 45% des participants ont arrêté de fumer au cours des 10 dernières années avant l'étude. Quelques 7900 participants ont été assignés au hasard dans le groupe de dépistage et 7892 autres ont été assignés à un groupe contrôle. Les participants du groupe de dépistage ont reçu un scanner au départ, un an plus tard, deux ans plus tard et deux ans et demi plus tard, pour un total de quatre cycles de dépistage. La participation à ce processus a été excellente pour les trois premiers tours, mais a chuté aux deux tiers environ pour groupe contrôle, au quatrième tour, si bien qu'à la fin du quatrième tour, 27 053 examens avaient été réalisés.
De réels progrès par rapport à l'étude américaine NLST
"Ces résultats montrent que les dépistages par tomodensitométrie constituent un moyen efficace d'évaluer les nodules pulmonaires chez les personnes à risque élevé de cancer du poumon, poursuit-il. NELSON est le deuxième plus grand essai au monde, avec un résultat encore plus favorable que l'étude américaine précédente, la NLST, qui devrait être utilisé pour informer et pour piloter un futur dépistage par TDM dans le monde." NLST objectivait en effet une réduction relative de 20% de la mortalité par cancer du poumon pour un dépistage annuel sur 3 ans par scanner low dose par rapport à la radiographie thoracique. À 10 ans, était évalué à de 8% chez les hommes et à 27% chez les femmes.
L'étude NELSON, après NLST, témoigne donc d'une avancée majeure dans le dépistage du cancer du poumon et apporte la preuve qu'il doit être mis en place en Europe sur la base de deux grands essais contrôlés randomisés. L'US Préventive task force a recommandé, en 2013, le dépistage annuel du cancer du poumon par scanner low dose chez les adultes âgés de 55 à 80 ans qui avaient fumé 30 paquets-années encore fumeurs ou qui avaient cessé de fumer au cours des 15 dernières années. Il a, en outre proposer de ne pas le proposer dès lors qu'une personne n'a pas fumé depuis 15 ans, qu'elle a développé un problème de santé limitant considérablement son espérance de vie ou qu'elle doit subir une chirurgie pulmonaire curative.
Cependant, comme indiqué précédemment, les taux de dépistage du cancer du poumon chez les gros fumeurs actuels et les anciens gros fumeurs sont très faibles aux États-Unis. Dans une étude publiée en 2017 dans JAMA Oncology, les auteurs estiment que sur 6,8 millions de fumeurs éligibles au dépistage par scanner à faible dose en 2015, seuls 262 700 (3,9%) en ont bénéficié.
Bruno Benque