Deux études françaises confirment l'embolie pulmonaire souvent associée au COVID-19
LUNDI 27 AVRIL 2020 Soyez le premier à réagirUne embolie pulmonaire aigüe est susceptible d’apparaître chez les patients atteints d’une pneumonie à COVID-19. Deux études françaises viennent confirmer ces résultats, l’une à Strasbourg, l’autre à Besançon.
Des cas d'embolie pulmonaire aiguë associés au COVID-19 ont été décrits dans la littérature dernièrement. Dans ce cadre, les niveaux de D-dimère ont été rapportés comme élevés chez les patients atteints par le virus, avec la suggestion d'une association entre la gravité de la maladie et le taux de D-dimère. Deux études françaises, publiées dans la Revue Radiology, viennent renforcer ces données spécifiques.
Taux de D-dimère et angioscanner thoracique pour 160 patients COVID+ strasbourgeois
C’est le cas tout d’abord d’une étude menée dans les unités de radiologie des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg et coordonnée par le Pr Mickaël Ohana, dont le but est de décrire le taux d'embolie pulmonaire chez les patients COVID+ ayant subi une tomodensitométrie (TDM) thoracique dans un de ces centres. Du 1er au 31 mars 2020, des angioscanners ont été réalisés après l'injection de 50 à 75 ml de produit de contraste iodé à haute concentration, avec suivi de bolus et seuil de 160 HU à 250 HU dans l'artère pulmonaire principale. Les taux de fibrinogène et de D-dimère ainsi que les résultats de la réaction de polymérisation en chaîne par transcriptase inverse (RT-PCR) ont été enregistrés pour tous ces patients.
Lorsque la RT-PCR était négative, la TDM thoracique a été examinée par un radiologue thoracique principal pour rechercher des lésions caractéristiques du parenchyme pulmonaire COVID-19. Lorsque les images CT étaient considérées comme typiques et que les données cliniques étaient compatibles, le patient a également été jugé comme ayant COVID-19. 1696 patients ont ainsi fait l’objet d’une TDM pour suspicion ou suivi d'une infection à COVID-19. Des angioscanners ont également été réalisés chez 135/1696 (8%) patients, auxquelles ont été ajoutées des images de la phase artérielle pulmonaire incluses dans un scanner TAP sur 25 autres patients. Sur ces 160 patients, 106 patients ont été classés comme infection COVID-19 (97 patients par RT-PCR et 9 patients avec TDM positive et test RT-PCR négatif).
Les patients infectés par COVID-19 et présentant une embolie pulmonaire avaient des niveaux de D-dimère plus élevés que ceux sans embolie pulmonaire et ont été traités le plus souvent avec de l'héparine moléculaire avant l’angioscanner (25/32 (78%) contre 17/74 (23%). Chez ces patients infectés par le COVID-19, un D-dimère supérieur à 2660 µg/L avait une sensibilité de 32/32 (100%, IC à 95% 88-100) et une spécificité de 49/74 (67%, IC à 95% 52-79) pour embolie pulmonaire à l'angioscanner.
23% des patients COVID+ présentent une embolie pulmonaire aigüe à Besançon
Une autre étude, coordonnée par le Dr Franck Grillet au CHU de Besançon, L'objectif principal de notre étude était d'évaluer l'embolie pulmonaire en association avec une infection par COVID-19 en utilisant une angiographie pulmonaire par TDM. Les critères d'inclusion à cette étude rétrospective étaient des patients adultes consécutifs (≥ 18 ans) avec un diagnostic de COVID-19 par RT-PCR ou une forte suspicion clinique ayant fait l’objet d’une TDM thoracique injecté avec 60ml de produit de contraste à 4ml/S, entre le 15 mars et le 14 avril 2020 dans un seul centre.
Sur 2003 patients diagnostiqués COVID+, 100 ont été inclus. L'âge moyen était de 66 ± 13 ans, avec 70 hommes et 30 femmes. Sur des 100 patients, 23 avaient une embolie pulmonaire aiguë. Les patients avec embolie pulmonaire étaient plus fréquemment dans l'unité de soins intensifs que ceux sans embolie pulmonaire, nécessitant une ventilation mécanique plus souvent et avaient un délai plus long entre le début des symptômes et le diagnostic CT d'embolie pulmonaire (12 ± 6 contre 8 ± 5 jours), respectivement.
Au final, cette étude montre que 23% des patients COVID+ sont sujets à une embolie pulmonaire aigüe, le plus souvent associée à une ventilation mécanique invasive et au sexe masculin. Même si des marqueurs importants de cette pathologie, dont le taux de D-dimère, sont absents de l’étude, ces résultats suggèrent que les patients présentant des caractéristiques cliniques sévères de COVID-19 peuvent avoir une embolie pulmonaire aiguë associée. Par conséquent, l'utilisation d'une TDM injectée plutôt que d'une TDM sans contraste de routine peut être envisagée pour ces patients.
Bruno Benque avec RSNA